Bible & Science / Bienvenue aux créationnismes dans le débat scientifique !

La très grande majorité des scientifiques du Moyen-âge à la révolution industrielle (du 12ème au 19ème siècle) étaient créationnistes. Pour autant, en ce 21ème siècle, «le créationnisme fait peur». C’est l’évolutionniste Thomas Lepeltier qui en fait le constat dans l’un de ses ouvrages (1), osant pousser un cri que d’aucuns considèreraient comme prophétique dans la bouche d’un évolutionniste : «vive le créationnisme !».

Livre-LepeltierHistorien et Philosophe des sciences , chargé de cours à l’université d’Oxford, Thomas Lepeltier précise sa pensée : «on accuse le créationnisme de tous les maux. Il menacerait autant la science que les sociétés démocratiques. D’où les réguliers appels à le combattre au nom de la rationalité et de la laïcité». Une haine infondée et contreproductive, car «ceux qui veulent sa disparition sous prétexte que ce ne serait pas une théorie scientifique, mais uniquement une doctrine religieuse font, sans s’en rendre compte, la promotion d’une société où toute contestation des théories scientifiques dominantes auraient disparu. Si c’est cela que veulent les adversaires du créationnisme, l’esprit critique qu’ils prétendent défendre risque de mal se porter. Dans le domaine de la réflexion – comme en politique si on est démocrate -, ne faut-il pas toujours se féliciter de l’existence de contradicteurs, quand bien même on estime que ceux-ci ont tort ?».

Le Créationnisme peut-il être une science ?

Selon Thomas Lepeltier, le Créationnisme a, pour le moins, le grand mérite de nous obliger à réfléchir à ce que signifie la notion de scientificité et de nous inciter à la réflexion, quant aux limites de la théorie darwinienne de l’évolution. Ainsi, considérer le Créationnisme en tant que contradicteur serait déjà une belle évolution dans les mentalités et participeraient nécessairement à la nécessité d’un débat sur la question des origines.

Par ailleurs, il rappelle salutairement que « Charles Darwin » n’est pas le premier savant a avoir pensé à l’évolution du vivant. Avant lui, il y a eu son grand-père Erasmus Darwin, mais également Jean-Baptiste Lamarck ou Robert Chambers. Tous ces savant étaient évolutionnistes. Darwin n’a donc pas découvert l’évolution, il a simplement proposé «un mécanisme pour expliquer l’évolution du vivant», et ajoute-t-il : «Il faut donc toujours faire attention à ne pas identifier théorie de l’évolution et théorie de Darwin – Darwinisme. Il existe des théories de l’évolution qui ne sont pas darwiniennes. Si vous croyez que pour être scientifique, il faut croire à l’évolution, cela n’est donc pas suffisant pour accuser les créationnistes de ne pas être scientifiques. Le darwinisme n’est qu’une théorie de l’évolution parmi d’autres».

La sélection intelligente des mécanismes évolutifs…

Tous les créationnismes ne s’opposent pas nécessairement à l’idée «d’évolution». C’est notamment le cas des promoteurs du «Dessein Intelligent». En réalité, les créationnismes sont surtout opposés au darwinisme, tout en pouvant accepter certains processus évolutifs dans le plan créationnel. Aussi étonnant que cela puisse paraître pour le grand public, on peut donc être «créationniste» et «évolutionniste». En effet, il est tout à fait concevable (et c’est le cas d’un grand nombre de créationnistes) de considérer que les espèces ont été distinctement créées par Dieu tout en envisageant qu’elles puissent ensuite évoluer après leur création. L’enjeu reste alors de définir clairement les mécanismes évolutifs qui sont réels (dont le constat ne souffre d’aucune remise en question possible) des mécanismes évolutifs qui reposent sur des hypothèses et des scénarios fictifs.

Soulignant la malhonnêteté de certains scientifiques évolutionnistes, Thomas Lepeltier explique par exemple que l’on «essaye souvent de ridiculiser les créationnistes dans leur ensemble pour leur refus de croire à une évolution des formes vivantes. On présente alors une multitude d’observations qui témoignent sans ambiguïté d’une évolution, comme le cas des bactéries, qui se sont adaptées à certains médicaments. Mais ces signes d’évolution, beaucoup de créationnistes les acceptent complètement. Ce ne sont pas ces petites évolutions qui remettent en cause leur conception globale de l’histoire du vivant. L’ironie dans ces pseudo débats, c’est que c’est souvent au nom de la rigueur intellectuelle que les créationnistes sont tournés en ridicule. Or, si les créationnistes acceptent très bien une certaine évolution des formes vivantes, ce sont ceux qui les accusent de nier complètement l’évolution qui manquent de rigueur intellectuelle».

D’authentiques scientifiques créationnistes

Par ailleurs, en tant qu’historien, Thomas Lepeltier rappelle également salutairement que le créationnisme, qui était la conception dominante jusqu’au 19ème siècle, n’était pas que «l’expression de considérations théologiques». Si on réduit le créationnisme a une doctrine religieuse, cela signifierait que tous les grands savants du XVII, XVIII et XIXème siècles ne seraient pas de vrais scientifiques en raison de leur conception créationniste de l’histoire du vivant !

«Je pense à des personnalités comme John Ray, comme Carl Linné, comme Georges Cuvier ou encore Louis Agassiz», écrit-il, en ajoutant : «Il est incontestable que des créationnistes ont participé au développement des sciences. Ils ont répertorié, classé, catalogué le monde de la flore et de la faune. En ordonnant ainsi la nature, ils ont fondé les sciences du vivant».

Si nous voulons être honnêtes intellectuellement, il nous faut donc nous interroger sérieusement : si le créationnisme, avant que l’évolutionnisme ne s’impose à la communauté savante, n’est pas uniquement l’expression de considérations théologiques, mais s’il peut procéder d’une démarche scientifique, qu’est-ce qui ferait que le créationnisme moderne (à partir du XXème siècle) ne relèverait quant à lui, en rien de la Science ?

Le danger de la mythologie darwinienne

Et à ce sujet, Thomas Lepeltier rejette les faux raisonnements trompeurs : «On pourrait dire que c’est parce que les créationnistes modernes se trompent en ne reconnaissant pas l’évolution. Mais attention, comme je vous l’ai rappelé, il y a des créationnistes qui sont évolutionnistes. Et de toute façon, même pour les créationnistes qui ne sont pas du tout évolutionnistes, cela pose un problème. Si c’est juste parce qu’ils se trompent qu’ils ne peuvent pas prétendre à la scientificité, il faudrait également retirer le titre de scientifique à beaucoup de savants considérés jusque-là comme des scientifiques. En effet, l’erreur est très courante en science. Donc tous ces savants qui ont professé des théories désormais jugées fausses ne pourraient plus être considérées comme des scientifiques».

Il est donc sain et nécessaire de se méfier «d’une certaine mythologie darwinienne», et pour «éviter de tomber dans cette mythologie, il faut toujours avoir à l’esprit, premièrement, que l’évolution est un scénario de l’histoire du vivant ; et deuxièmement, que le rôle de Darwin consista à rendre crédible ce scénario en lui fournissant un mécanisme fondé sur la sélection naturelle. On voit donc ce que pourrait avoir de problématique l’affirmation qui stipulerait que seul le scénario darwinien de l’histoire du vivant peut être scientifique».

Une théorie scientifique peut-elle invoquer une «cause intelligente» ?

Certains voudraient alors objecter le caractère scientifique du Créationnisme et en particulier de la théorie du «Dessein Intelligent», en raison de l’intervention d’une cause intelligente pour expliquer l’histoire du vivant. A ce sujet, Thomas Lepeltier explique très clairement pour quelles raisons cette objection est sans fondement scientifique…

  • Il pose ainsi le débat : «Imaginons des archéologues qui découvrent des pierres alignées. Ils peuvent bien sûr avancer que cet alignement est une configuration fortuite. Mais il ne serait pas déraisonnable de leur part de supposer que l’alignement de ces pierres est dû à une cause intelligente, en l’occurrence des hommes et des femmes du passé ayant construit un mur. La référence à une cause intelligente ne semble donc pas poser de problème en science»
  • D’autres diront alors que «ce qui pose problème, c’est quant cette cause intelligente est utilisée pour expliquer des phénomènes naturels et en particulier, la structure des organismes vivants. Là encore, la situation n’est pas très claire. Imaginons que ce soit des extra-terrestres, venus sur Terre il y a des millions d’années, qui soient responsables de l’apparition de la vie sur notre planète. Un biologiste moderne, confronté aux très grandes difficultés à expliquer l’origine de la vie, qui en viendrait à faire l’hypothèse que la vie est apparue par l’intermédiaire d’une cause intelligente ferait donc une hypothèse tout à fait raisonnable. Même plus, il ferait la bonne hypothèse. Ce fut en réalité l’hypothèse émise par un biologiste très sérieux dans les années 70. Il a d’ailleurs reçu le prix nobel de médecine. Il s’agit de Francis Crick, le co-découvreur de la structure de l’ADN. Si l’hypothèse de Francis Crick n’a pas été retenue par la communauté scientifique, ce n’est pas parce qu’il faisait référence à une cause intelligente pour expliquer un phénomène naturel, mais parce que l’on n’a jamais trouvé de trace de ces extraterrestres. Ce n’est donc, pas là encore, la référence à une cause intelligente pour expliquer des phénomènes naturels, qui pose problème en science»
  • Certains argueront peut-être alors que la cause intelligente des archéologues ou des extraterrestres de Francis Crick peuvent s’expliquer par des causes naturelles, à condition que les hommes du passé ou les extraterrestres trouvent leurs origines dans des phénomènes naturels… Il faudrait donc accepter les causes intelligentes uniquement si elles sont le fruit de causes naturelles ? Thomas Lepeltier s’insurge alors à ce propos : «au nom de quoi peut-on affirmer que toute cause intelligente doit pouvoir être expliquée par des causes naturelles ? Qui impose ce diktat ? Certains disent que c’est comme cela que la science a toujours procédé et que c’est donc comme cela qu’elle devrait procéder. Sur un plan historique cela est douteux. Dans ses Principia Mathematica (1687), Isaac Newton faisait explicitement référence à un concepteur intelligent pour expliquer la formation et la stabilité du système solaire. Faudrait-il le rayer de la liste des scientifiques ? Considérer cet ouvrage comme pseudo-scientifique ? Rayer certains passages ? Il n’est pas sûr que cet ostracisme serait très pertinent. Et de toute façon, quand bien même il serait correct d’affirmer que la science a toujours procédé de la sorte, pourquoi vouloir la figer une fois pour toutes ? Au nom de quel principe peut-on lui interdire d’évoluer vers une prise en compte d’une cause intelligente dans ses explications ?»
  • In fine, «si la Science sert à rendre compte ou à comprendre le monde réel, on ne peut exclure des explications scientifiques que ce qui n’existe pas dans la nature ; or, on ne sait pas si une cause intelligente quelle qu’elle soit, est intervenue dans l’histoire du vivant ; c’est justement ce qui doit faire l’objet d’une investigation scientifique. Autrement dit, exclure de la science toute considération de cause intelligente reviendrait à exclure celle-ci de façon dogmatique de la réalité, puisque l’on ne peut pas savoir à l’avance si des causes intelligentes ont joué ou non un rôle dans l’histoire du vivant. Les promoteurs du dessein intelligent disent que, tant que l’on n’a pas démontré qu’un Dieu n’est pas intervenu dans l’histoire du vivant, on ne peut pas affirmer catégoriquement qu’il n’est pas intervenu. Et tant que l’on ne sait pas si oui ou non il est intervenu, il n’est pas déraisonnable d’analyser dans quelle mesure une explication qui ferait référence à son intervention serait moins tirée par les cheveux qu’une explication qui éviterait une telle référence. La tâche des scientifiques pourrait ainsi consister, entre autres choses, à déterminer où et comment se seraient produites ces interventions».

Thierry-Gresin-2Thierry Grésin, biologiste, géologue et professeur du module de «Bible & Science» au sein de l’Institut de Théologie Charismatique (ITC), explique notamment, à propos de la scientificité du Créationnisme que «dans les domaines de la biologie qui concernent l’évolution des espèces et qui sont étudiables par la science fonctionnelle, le créationnisme est tout autant une science que l’évolutionnisme. Les expériences sont reproductibles et les conclusions peuvent être remises en question par les pairs. La différence se trouve dans la reconstitution historique de l’histoire de la vie, de la biodiversité, dans l’interprétation des fossiles et des strates géologiques, dans les datations absolues et dans l’histoire du monde. Le créationnisme pourra être tout autant une science que l’évolutionnisme. C’est une théorie scientifique qui intègre autant que possible l’ensemble des faits observés. Mais en tant que science historique, elle sera fondée sur les mêmes types de raisonnements abductifs et donc incertains» (2).

Paul OHLOTT

Notes

  • «Vive le Créationnisme ! Point de vue d’un évolutionniste» (Ed. de l’Aube, 2009)
  • Extrait du cours de « Bible & Science » Chapitre III « Epistémologie – Etude de la Science », Institut de Théologie Charismatique (ITC), par le biologiste et géologue Thierry Grésin.

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